ROCK NIGHT 2016 - La Chapelle Saint Luc (11 juin 2016)

En ce printemps maussade, nous avons pu nous estimer heureux d'avoir pu faire une route correcte et peu arrosée et les organisateurs de cette « Rock Night », puisqu'il faut appeler ainsi l'ancien « Festival Rock 70's », ont dû bénir le ciel de cette météo presque clémente. Néanmoins, en arrivant sur le site, et après une fouille inhabituelle due à l'état d'urgence (il va falloir s'y faire...), nous avons pu nous rendre compte que les organisateurs, toujours prévoyants, avaient évalué ce paramètre : contrairement à l'an dernier où ils avaient joué dans le jardin, d'abord sous forme de duo Aeschbach, puis finalement groupe au complet avec des amis en plus, les Natchez, en version électroacoustique et en charge des intermèdes, comme en 2010, s'étaient installés dans la petite salle attenante à la salle de concert, et les stands alimentaires (nourriture et boisson, donc) avaient tourné leurs comptoirs non vers le jardin mais vers l'intérieur de la structure.

C'est donc à l'intérieur de cette petite salle que peu après 19 heures Natchez a directement ouvert la soirée, pour le plus grand plaisir des personnes déjà présentes. Alternant dans la bonne humeur et avec brio reprises bien connues, comme « Crossroads » ou « Honky Tonk Woman », avec morceaux originaux comme « Canicule boogie », pas exactement d'actualité, le groupe bientôt trentenaire a parfaitement lancé la soirée.


Il revient à Plug'n Play d'entamer le spectacle sur la grande scène. Nous retrouvons donc avec plaisir des titres maintenant bien connus et qui tournent rond, chantés par « Speed » Dominique, qui semble désormais s'être installé au chant : « Time to go », « « Right Now », « Far Away », « Take Me Out »… le répertoire défile sans fausse note. Si Christophe, un des guitaristes, n'est pas très en forme, ceux qui ne connaissent pas le groupe ne s'en seront pas vraiment rendus compte, même si du coup Alan, l'autre guitariste, semble un peu plus mobile. Même avec un état de forme qui n'est pas optimal, le groupe a atteint aujourd'hui un tel niveau que la prestation reste impressionnante. Et puis l'état d'esprit festif et accueillant demeure, fidèle aux principes du temps de Charmont : un petit clin d’œil par ci ou par là pour les initiés et surtout, après « I Forgot The Map » apprécié, nous voyons apparaître sur scène Lord Tracy venu faire le bœuf, un harmonica à la main, pour un « Train Kept A Rollin' » endiablé. Quelque part ça rassure : en continuant cette tradition du bœuf lors de leur festival (maintenue l'an dernier par les frères Aeschbach), ces mecs envoient clairement un signal de volonté de rester dans une conception humaine et ouverte de la musique. Chapeau ! Et pour ne rien gâcher, le traditionnel solo de batterie d'Eric se révèle cette année tout aussi passionnant que les fois précédentes. A la fin du set, il ne reste plus qu'à remercier les musiciens pour le plaisir procuré. Vraiment, la scène française produit de belles pépites dont la qualité n'est hélas pas assez mise en valeur.



Parlant de pépites, justement, le festival se poursuit avec des Natchez particulièrement en verve qui continuent d'alterner en version électroacoustique reprises bien senties et originaux choisis avec soin dans leur album Double Dose (faut dire qu'il y a le choix...) : « Dead Flowers », « Amerique'n'Blues », ou « Electric Speed Woman » contribuent à maintenir le public dans l'ambiance, jusqu'à une version inattendue, et du coup fort réussie, du classique « Sweet Home Alabama » qui reçoit parmi les membres du public le soutien amical, imprévu et improvisé de choristes de luxe qui se reconnaîtront. Le groupe, amusé de cette heureuse surprise, apprécie et souligne : que du bonheur !

Mais pas le temps de s'endormir : le Blues Power Band a investi la scène principale pour une prestation très énergique. Ne vous fiez pas trop au premier mot de leur nom : même si les racines sont bien là, mieux vaut se focaliser sur le deuxième mot, car ça envoie ! Ces gars-là ne font pas semblant : ils y vont à fond. Au menu, de nombreux extraits de leur « opéra blues-rock » Zee : « Got a New Truck (Got What !?) », « The Missing », « Marsquake », « Tchoga Zanbil », « The End… », « Below », « Riding With Jane », ou « Somebody », mais aussi des titres de leurs deux plus récents albums comme « Stand » et « Out of Sight » (Invasion) ou « Fr-fr-fr-frustrated » (Dark Room). Bien emmenés par Hervé ‘Bannish’ Joachim, le chanteur du groupe, le Blues Power Band a offert une prestation très rock et très convaincante tout à fait dans l'esprit de ce festival. Si on veut à tout prix mettre un petit bémol, peut-être le groupe gagnerait-il à paraître plus naturel et moins convenu dans ses poses, inconvénient de vouloir faire le show, mais au niveau sonore, rien à dire, si ce n'est que la performance fut vraiment appréciée et a contribué à maintenir l'ambiance dans le public. Encore une bonne initiative des organisateurs que la venue de ce gang soudé et bien remuant.

Après une « pause Natchez » peuplée de classiques comme « Tush », « All Right Now », et « You Shook Me All Night Long », d'un autre extrait de Double Dose (« L'homme à l'harmonica ») mais aussi de « Fils à papa » un morceau datant de Custom Shop, leur album de 2005 (déjà!), l'heure était venue de faire place à la « Juju  connexion » et d'aller écouter des habitués du festival champenois, les classieux Jesus Volt et leur blues-rock psychédélique très original.

Plus les années passent, plus je me plais à retrouver Jesus Volt, mes oreilles doivent sans doute s'habituer à leur façon d'aborder la chose musicale. Intéressant, intriguant même, et auteur d'une prestation à haute tension énergétique à Charmont en 2010, le groupe, à l'époque déjà remarqué et auréolé d'une solide réputation, a travaillé et s'est encore bonifié avec le temps au point de confirmer son statut de valeur sûre de la scène blues et rock française. Lord Tracy a soigné sa dégaine de dandy lubrique et malicieux, troquant son jean déchiré contre une élégance choisie et plutôt réussie, et la musique a aussi suivi le même chemin. Les années de scène commune ont soudé les musiciens, leur ont fait acquérir une réelle maîtrise de leurs prestations, y compris de l'espace scénique, et les morceaux aujourd'hui proposés témoignent de cette maturité, d'autant que la set-liste fait la part belle aux morceaux du dernier album. Ils participent grandement à l'impact scénique du groupe : bien construits, plus mélodiques à mon sens que dans les premiers albums gavés d'énergie, avec ce qu'il faut d'originalité pour faire dresser l'oreille, mais pas trop « barrés » quand même, servis par une rythmique parfaitement en place (deuxième concert de la soirée pour Julien, qui prend l'habitude de ce genre de marathon) et un guitariste toujours inventif et brillant, qu'on a plaisir à écouter et voir jouer, ils offrent à Lord Tracy un joli cadre pour se mettre en évidence. Et une pareille opportunité, pour un Lord Tracy, ça ne se refuse pas ! Le chanteur/harmoniciste a comme son groupe livré une prestation aboutie, à la fois dans la maîtrise et une apparente décontraction. A côté de ces nouveaux morceaux vraiment très intéressants, des classiques du groupe comme « Killmister » ont reçu un accueil plus que chaleureux du public, qui a réclamé avec insistance un rappel. Et pour sceller cette entente, le groupe a alors joué non pas un mais deux titres, dont, pour finir en trombe, le «  Burn with me » du dernier album.

Bien entendu, le dernier passage de Natchez fut chaleureux et réussi, avec toujours ce mélange de classiques du groupe comme « Chaman » et de standards avec pour terminer le célébrissime « La Grange » de ZZ Top, histoire de déclencher l'enthousiasme des spectateurs, avant que les Australiens de Vdelli, la sympathique tête d'affiche de ce festival, n'investissent la scène. Pour les habitués de la fête de Plug'n Play, ce groupe n'est pas non plus inconnu puisqu'ils avaient eux aussi déjà joué à Charmont en 2010 : autant dire qu'ils ont pu fêter leurs retrouvailles avec Jesus Volt. Au passage, félicitons chaudement les organisateurs pour avoir su détourner le groupe d'une escapade allemande, car il n'est pas toujours facile de gérer l'affiche d'un tel festival.

Bref dès les premières notes, la cause était entendue : Vdelli allait encore frapper très fort, et cette fois-ci, le répertoire a fait la part belle à des morceaux originaux. Michael, toujours impressionnant sur scène, n'a rien perdu de ses qualités, et il a bénéficié cette année d'une rythmique mieux accordée à sa philosophie, lui permettant de s'aventurer plus aisément hors des sentiers battus. Et là, aucun doute possible : Vdelli a le niveau international sans problème ! Sans frime, toujours avec bonne humeur, mais aussi avec une intensité sans faille, le groupe s'est mis à délivrer un rock puissant, très puissant même, sans se départir de sa subtilité. Seul petit bémol du début de sa prestation : même avec des bouchons d'oreille, le volume sonore devenait vite décourageant. Heureusement l'organisation a ses propres contrôles, efficients, et rapidement le volume sonore est revenu à des niveaux plus décents, sans rien entamer de l'efficacité de la musique. Bon plan pour retourner dans la grande salle (la petite salle à côté où s'est produit Natchez permet de profiter attentivement de la musique avec un niveau sonore atténué tout en immortalisant quelques clowneries amicales…) admirer la prestation époustouflante du trio et prendre quelques photos supplémentaires, histoire aussi de profiter de quelques instants plus blues : Michael Vdelli ne renie pas ses racines et nous offre quelques tranches des origines de sa musique, toujours avec cette sensibilité, ce feeling qui rendent remarquable son interprétation et suscitent l'admiration des spectateurs. Inutile de le cacher : ce gars-là est bluffant la guitare à la main, et pourtant question guitare, nous étions encore servis cette année !

Un excellent moment à partager avec des artistes confirmés qui avaient visiblement à cœur de se livrer à fond et une clôture de qualité pour un festival qui continue année après année, malgré quelques vents contraires, à nous offrir une soirée de plaisirs musicaux à la fois divers et complémentaires, mais avec toujours la qualité bien présente. Et comme de coutume désormais, il faut souligner ici le remarquable niveau de l'organisation et le côté chaleureux de l'accueil qui ne se démentent pas. Le succès encourageant du millésime 2016, fort de son amusante filiation avec 2010, six ans déjà pour un clin d’œil de l'histoire, laisse espérer une suite au même niveau pour 2017, c'est tout le mal qu'on souhaite aux organisateurs… et à nous-mêmes, éléments comblés d'un public fidèle. Rendez-vous l'an prochain ?

Y. Philippot-Degand

Photos de JN SIROT et YVES PHILIPPOT-DEGAND,

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